"Ce samedi 25 mars 2017, l'ASPE organisait un ciné-débat-soupe, avec la projection du film "La voix du vent". Un film de 2012, fruit de la rencontre entre le réalisateur espagnol Carlos Pons, et un agriculteur du Luberon, Jean-Luc Danneyrolles, jardinier passionné, défenseur de la
biodiversité, qui cultive "le potager d'un curieux".
Emportant des semences paysannes, ils partent jusqu'à Grenade, en compagnie d'un cameraman.
De halte en halte, ils découvrent un monde différent de l'agriculture traditionnelle et de la course au profit. Un monde différent de "la mer de plastique d'Almeria", où la plupart des
légumes consommés en Europe sont aujourd'hui cultivés.
Un témoignage où le partage des graines paysannes sert de fil conducteur.
Des rendez-vous qui content une vie où l'être humain retrouve une harmonie essentielle avec la nature en pleine campagne mais aussi... quelquefois simplement en ville, sur un
balcon.
Un film qui parle d'agriculture, mais aussi de connaissance de soi, d'équilibre personnel, de santé (la nourriture n'est-elle pas la première des médecines ?), d'art, de musique,
d'éducation...
Un point de départ pour une réflexion sur des actions locales ?
MAIN-MISE SUR LES SEMENCES
Michel Apostolo éleveur ovin à Sillans et président de l'association, Isabelle Beauvallet, pépiniériste de l'Armalette et Sophie Dragon Darmuzet d'Agribiovar ont mené le débat avec les assistants autour d'une bonne soupe."
Michel a fait remarquer que “la meilleur façon de conserver les graines, c'est de les cultiver, car elles s'adaptent ainsi au fil des ans, aux changements climatiques, du
terrain, etc... Or aujourd'hui, les lobbies semenciers ont mis la main sur les semences, à travers l'orientation de la recherche : au service de l'agriculture
industrielle, ainsi que l'inscription au catalogue, la propriété intellectuelle, et l'interdiction de commercialiser librement les produits provenant de semences de ferme”.
Il est vrai que depuis toujours, les paysans conservaient leurs graines pour les utiliser, les donner ou les échanger : la garantie d'une adaptation à la diversité de la nature. Avec
l'essor de l'agriculture industrielle, la dépendance des cultivateurs à ses semences, qui nécessitent engrais chimiques et pesticides pour se développer, n'a fait que croitre, et s'est étendue à
toute la planète.
Or ces graines, sélectionnées pour être utilisées sur de grandes surfaces, font l'objet de lois “pour amortir le coût important de la recherche
: il a été décidé que seules les semences industrielles pouvaient être cultivées, échangées et vendues” (Marc Dufumier, agronome et enseignant chercheur).
Pour en savoir plus, on peut consulter l'ouvrage de Pierre Rabhi et Juliette Duquesne, sorti récemment : Les semences un patrimoine vital en voie de disparition :
"75 % des variétés de semences ont disparu en un siècle. Or elles sont la base même de la vie. Comment expliquer, alors, que ce sujet crucial ait été si longtemps maintenu
hors de portée et de compréhension du grand public ?
La réglementation, il est vrai, est particulièrement complexe. Mais surtout, celui qui possède la semence contrôle toute la chaîne alimentaire. Détenir ce marché mondial
représente des enjeux financiers colossaux.
Cette appropriation du bien commun a commencé à se mettre en place, il y a plus de cinquante ans, avec les semences industrielles. Aujourd’hui, elle s’accentue avec les OGM
et les « nouveaux OGM », privant des paysans du monde entier du droit élémentaire de cultiver leurs propres graines.
Comment et pourquoi ce bien si précieux, qui devrait appartenir à tous, a-t-il été privatisé ? Quelles sont les conséquences avérées d’une telle logique ? Quels risques
fait-elle courir à la nature, dont l’être humain est lui-même une composante ? Telles sont les questions, vitales pour notre avenir, abordées dans ce carnet."
LOI BIODIVERSITE : DES AVANCEES INACHEVEES POUR LA BIODIVERSITE AGRICOLE
"Circulation des semences paysannes et traditionnelles ; brevetage du vivant ; interdiction des pesticides néonicotinoïdes :
les questions touchant à la biodiversité agricole ont été jusqu'en lecture définitive du projet de loi Biodiversité âprement débattues. Si des avancées ont été
actées, plusieurs points primordiaux restent en suspens pour permettre pleinement à la France de s'inscrire dans un projet annoncé agroécologique
…
Depuis 2014, le parcours du projet de loi Biodiversité n'a pas été un long fleuve tranquille, quel bilan en tirer aujourd'hui
?
Une légitime reconnaissance des semences non-industrielles ...
Le droit d'échanger des semences ou des plants n'appartenant pas à une variété soumise à un droit de propriété industrielle (1), a enfin été élargi à
tous les agriculteurs.
Concernant les semences et plants n'appartenant pas à des variétés enregistrées au catalogue officiel, le droit de les échanger et de les vendre à des
jardiniers amateurs est à présent clairement inscrit dans la loi, y compris pour les plants de légumes.
… mais un recul profondément liberticide.
Malheureusement, cette reconnaissance est limitée, pour ce qui concerne la vente, aux seules associations à but non lucratif. Les paysans et les artisans
semenciers en sont exclus. Cette exclusion est particulièrement dommageable pour les plants de légumes commercialisés avant tout par des maraîchers.
De plus, les échanges et les ventes de semences sont désormais tous soumis aux mêmes obligations d'enregistrements, de plans de contrôle et d'analyses
sanitaires, certes indispensables pour les productions industrielles de masse, mais totalement inapplicables par l'immense majorité des jardiniers amateurs.
Vers une protection du vivant face à son appropriation par le brevet ...
Le scandale des brevets sur les gènes « natifs » (2) a encouragé les parlementaires à s'intéresser à l'appropriation illégitime du vivant. La
nouvelle loi biodiversité interdit les brevets sur les plantes et les animaux issus de procédés essentiellement biologiques tels que le croisement ou la sélection, ainsi que sur les informations
génétiques qu'ils contiennent.
… qui reste largement insuffisante.
Mais le brevetage du vivant est aujourd'hui étroitement lié au développement des techniques de génie génétique et de bio-informatique. Sous la pression
des lobbys industriels, le Parlement a refusé d'aborder la réglementation des nouveaux OGM qui en sont issus et d'interdire les brevets sur les gènes natifs qu'elles permettent. Si ces nouveaux
OGM restent cachés, tout comme les brevets qui vont avec, aucune étiquette n'informera les consommateurs tandis que les paysans et les petits semenciers verront leurs propres semences et animaux
menacés d'appropriation par ceux qui auront breveté certains de leurs caractères natifs..."
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